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Les Tumuli

Un tumulus (au pluriel tumuli) est un tertre funéraire de forme circulaire. Les cendres des morts contenues dans des urnes ou les corps des défunts y étaient placées au centre d’un cercle de pierre par–dessus lequel était amassé des pierres et de la terre pour donner aux tumuli une forme arrondie.

Les amateurs de trésors cachés vont vite déchanter, les deux tumuli présents sur la commune de Chaumousey ont été fouillés l’un en 1878, l’autre en 1886 par M. Félix Voulot, alors conservateur au musée d’Épinal. Vous pourrez lire ci–dessous les notes de ce dernier concernant les fouilles et trouver la liste des objets découverts.

Extrait des annales de 1879 de la Société d’Emulation des Vosges concernant le premier tumulus

Extrait des annales de 1880 de la Société d’Emulation des Vosges concernant le premier tumulus

Extrait des annales de 1886 de la Société d’Emulation des Vosges concernant le second tumulus

Annales de la Société d’Emulation des Vosges 1879.

Année 1879. Page 84.

Premier tumulus.

Note de M. Voulot.

––––––––––––––––––––––––

Au mois d’août dernier, j’annonçais à la Société, réunie en séance, que je venais de constater l’existence, au bois de Trusey, commune de Chaumousey, d’une butte que je considérais comme un grand « tumulus ».

J’ajoutais même que, d’après mes prévisions, cette construction serait vraisemblablement gauloise, et non remaniée.

Déjà par suite du bienveillant empressement des administrations forestières et communales, ces probabilités sont devenues des faits, et le monument m’a livré des objets de bronze ou de céramique, des haches votives en calcaire et des instruments de silex venus de loin.

Le crédit étant épuisé, j’ai dû suspendre les fouilles de ce monument, qui remonte aux siècles antérieurs à la conquête romaine.

Dans le voisinage de la tombelle explorée, j’ai reconnu l’existence d’un tumulus aussi volumineux, et, près de là, j’ai trouvé une vingtaine de mares ou mardelles gauloises, côtoyant le tracé d’une voie antique inconnue des archéologues, et dite: rue romaine.

j’ai suivi, jusqu’au–delà de Châtel, la suite de ces cavités, presque toutes situées sur des points élevés ou sur des pentes.

J’ai aussi rencontré des restes de constructions anciennes sur un plateau voisin de Chaumousey, qui passe pour être hanté des esprits et qui est désigné sous le nom de « l’enfer ».

Cette éminence où, dit–on, on aperçoit de nuit, des feux follets, et d’où partent des voix mystérieuses, est resté en friche, depuis des siècles, sans doute à cause de son antique réputation.

Voilà donc tout un ensemble de vestiges des temps les plus reculés, qui vient de surgir aux portes de notre ville, et cela dans un des plus solitaires cantons de nos forêts.

(copie textuelle)

Annales de la Société d’Émulation des Vosges 1880.

Année 1880. Page 44.

Premier tumulus.

Note de M. Voulot.

Discours prononcé à la Séance Publique annuelle

le 4 décembre 1879

par Félix Voulot, Membre titulaire.

Dans ce discours, on lit ce qui suit touchant Chaumousey.

L’automne dernier, mon spirituel collègue, M. Defranoux, vous avait entretenus, avec sa verve toute juvénile, du résultat des fouilles exécutées sous un tumulus, dans les bois de Chaumousey.

Cette construction est d’autant plus intéressante qu’elle appartient à l’antique période de l’indépendance gauloise.

Interrompus par la saison des pluies, les travaux ont été achevés au printemps.

Les fouilles, qui avaient mis au jour des objets de bronze, de silex, de céramique, de vastes foyers, des haches votives en calcaire, un dallage soigné, établi à près de 2 mètres de profondeur, n’ont plus montré que l’extrémité de ce pavé et de ces foyers, de nombreux fragments de poteries et plusieurs haches votives semblables aux premières.

Sur les dalles, aucun squelette.

Évidemment, des corps avaient dû être déposés là; mais, si des personnes étrangères à l’archéologie ont pu supposer qu’on dût y rencontrer quelque chose de semblable à des os en pourriture, c’est une lourde erreur digne, tout au plus, d’un poète du cycle de Cambrinus, ou d’un érudit quelque peu rêveur.

Quand des ossements ont résisté à l’action du sol pendant deux mille ans, ils sont transformés et purifiés, et ne contiennent plus guère d’appréciable que leur partie minérale.

Souvent même cette substance est réduite en une poudre impalpable, dont le grisâtre aspect la fait confondre avec ce qui l’environne.

L’être humain est devenu une sorte d’énigme, de protée insaisissable, quelque chose d’indécis, d’hybride, qui échappe à nos sens.

Grand et touchant enseignement pour celui qui sait voir dans l’homme autre chose qu’une réunion de molécules; pour celui qui croit à la conscience, à la justice divine!

(Copie textuelle)

Annales de la Société d’Emulation du Département des Vosges 1886

1886 page 393.

Second tumulus.

Fouille du tumulus de Chaumousey.

Rapport de la Commission d’Archéologie et d’Histoire.

Par M. Voulot, Membre titulaire.

La Société d’Émulation fidèle à ses plus anciennes traditions, a repris en 1885, ses recherches d’archéologie vosgiennes.

Ayant trouvé et fouillé pour mon compte, il y a quelques années, un grand tumulus au bois de Trusey, commune de Chaumousey, j’avais saisi l’occasion pour examiner les alentours.

J’avais reconnu l’existence, dans un faible rayon, d’une dizaine de mares factices puis enfin d’un second tumulus, à peine distant d’un kilomètre du premier.

Celui–ci, dont le mobilier funéraire avait été très sommairement indiqué dans les Annales, était relativement pauvre; ayant été pendant fort longtemps un lieu de crémation, il renfermait, au milieu d’un énorme amas de cendres mêlées de scories, quelques rares objets reconnaissables.

Le nouveau tumulus, paraissant couvert d’une voûte grossière de pierres amoncelées, me semblait, de prime abord, devoir donner une simple moisson d’objets d’antiquité et remonter, comme le premier, à l’époque de la Gaule indépendante.

Situé à 250 pas au nord–est du canal, à trois kilomètres de Chaumousey, à un demi de Girancourt, il était perdu dans un bois–taillis inextricable et nul sentier n’y conduisait.

C’était un cône aplati fort régulier et, par suite, inexploré, de 22 mètres de diamètre sur 1 m 80 de hauteur au centre.

En 1883, je proposai, dès le printemps, à mes collègues de la Commission, d’opérer des fouilles aussitôt que deux d’entre eux fussent disponibles.

Une telle coïncidence ne s’étant pas rencontrée dans l’année, j’eus le regret de ne pouvoir faire autrement que d’acheter la permission de remuer le terrain et faire façonner le bois couvrant la tombelle.

Le sol ainsi préparé, plusieurs de mes collègues voulurent bien, en mai 1885, venir visiter l’emplacement et même me prêter un concours actif et empressé pour diriger les travaux.

Je me hâte d’en exprimer toute ma reconnaissance à MM. Chevreux et Garnier, les Président et Secrétaire de notre Commission.

Les travaux furent commencés le 28 mai dernier. Je dus m’occuper, avec neuf ouvriers, à extraire les nombreuses souches formant un tissu serré à la surface du tertre.

Alors apparut une sorte de voûte en pierres sèches, très habilement construite. Elle formait un carré à pans coupés, presque régulier, et avait par places, jusqu’à 1 m. 20 d’épaisseur; ailleurs elle n’avait que 40 ou 50 centimètres.

Cette voûte était formée de pierres calcaires rapportées; le sol de la forêt, argilo–siliceux, ne renfermait aucune pierre, comme on peut s’en assurer à la tranchée du canal voisin.

Une douzaine de blocs de grès bigarré étaient placés çà et là sur champ dans le tumulus, indiquant des sépultures.

Ces dernières, qui avaient dû être au nombre d’une trentaine environ, étaient réparties, très inégalement sous le monticule.

Les parties du nord–ouest et de l’ouest en étaient presque dépourvues tandis qu’au sud, et surtout à l’est et au nord–est, dans le voisinage du centre, il y avait jusqu’à trois, quatre et même, par exception, cinq sépultures superposées.

Souvent un groupe de pierres placées avec art, comme pour border un corps, ne renfermait rien, soit que ce travail ait été fait pour dérouter des curieux dans leurs recherches, soit qu’il y eût là des préparatifs de sépultures qui n’ont pas été utilisés.

Cette disposition a exigé un travail d’investigation long et minutieux, appliqué à toutes les parties du tumulus.

En outre, le terrain de la tombelle, remué pour sa construction, jusqu’au niveau du sol forestier, formait, sous la moitié centrale du monument, une sorte d’entonnoir très évasé, paraissant, à tort, indiquer une sépulture plus profonde au point central.

Les corps n’étaient nullement orientés; plusieurs se trouvaient croisés l’un par l’autre; en général, ils étaient entourés de petites dalles minces, non taillées, posées de champ; une pierre horizontale couvrait le crâne, une autre plus large, le bassin. Les squelettes étaient, en général, fort mal conservés.

Bien que toutes les sépultures paraissent à peu près contemporaines, plus elles s’enfonçaient sous la masse du tertre, plus les squelettes et les attributs étaient dégradés. Les corps étaient, en général, de taille moyenne, les tibias épais, ainsi que plusieurs crânes.

Ces derniers, quoique fort peu conservés paraissent avoir été brachycéphales: l’appareil maxillaire, très sain, n’offrait aucune trace de carie, malgré l’âge avancé de certains sujets.

J’ai reconnu plusieurs tibias platycnémiques et plusieurs fémurs à colonne, ce qui indique des corps appartenant à une race assez peu élégante de formes.

Quant au mobilier funéraire, un certain nombre de tombes en étaient dépourvues.

Parmi tous les objets exhumés, aucune arme de métal ne s’est rencontrée, soit que la tribu les considérât comme trop précieuse pour les placer à côté des morts, ou qu’elle en fît peu usage.

Elle paraît s’être servie beaucoup de pierres calcaires grossièrement taillées, dont un certain nombre ont été retrouvées. Comme exception, elle façonnait le vrai silex apporté surtout de Champagne.

J’ai recueilli, tout au fond du tumulus, trois belles lames de silex et un percuteur de granit ayant fait un long usage.

Un autre fait fort remarquable, déjà rencontré dans mes fouilles de la tombelle de Chaumousey, dans celles de Bouzemont et de Pierrefitte, c’est le dépôt, dans certaines sépultures, de haches simulées, en pierre tendre.

Le fait le plus extraordinaire que j’ai rencontré sous ce tumulus, c’est la sépulture d’un homme régulièrement couché sur le ventre: de petites dalles minces, dressées avec soin, bordaient les côtés du squelette; comme unique attribut, il avait, sur le bassin, un fer de lance simulé, en calcaire brut, et de la forme exacte des pointes de lances paléolithiques du Danemark; la pointe était dirigée vers les pieds du squelette.

Au lieu de la tête absente, on avait placé, en forme de pyramide renversée ou de bassin carré, quatre minces dalles calcaires triangulaires, choisies avec un grand soin, et recouvertes d’une pierre carrée. Le tout se trouvait doublé d’autres dalles pour empêcher l’infiltration des terres dans ce bassin resté presque vide. La diagonale du bassin continuait exactement l’axe longitudinal du squelette.

A gauche de cette sépulture, une autre, entièrement contiguë, et comme formant comme une dépendance de la première, renfermant un squelette de cheval ou d’âne de la taille des chevaux corses, dépourvu aussi de sa tête. A la place que celle–ci aurait dû occuper, se trouvait, posée à plat, une pierre triangulaire en calcaire, recouverte d’une grande hache simulée, de même nature.

Dans l’axe du squelette d’homme précédent, se trouvait un autre squelette d’homme, couché sur le dos, dépourvu d’attributs, et manquant aussi de la tête.

Dans cette sépulture, comme dans plusieurs autres, j’ai recueilli de très petites plaquettes de calcaire fin, triangulaires, évidemment choisies et taillées, sans qu’on puisse lui assigner un usage pratique.

Les objets de métal déposés dans les sépultures étaient de deux natures, le fer et le bronze.

Ceux en fer étaient, en général, réduits à une simple trace rousse facilement reconnaissable.

Quatre seulement ont pu être conservés intacts, outre quelques fragments indéterminables.

Le plus précieux, peut–être unique, est une fibule terminée de chaque côté par un anneau, et revêtue encore de plaquettes de cuir. En outre, une bague et trois agrafes circulaires dont l’ardillon n’offrait plus que sa trace, ont été conservées.

Les spécimens en bronze sont nombreux et très intéressants, ils se divisent en deux sortes, étant les uns massifs, les autres creux.

Jusqu’ici le Musée des Vosges n’avait jamais reçu, en fait d’objets antè–romains, aucune fibule; il ne possédait, en anneaux creux, qu’un torques, dont j’ai retrouvé les restes sous un tumulus de Pierrefitte.

Une des sépultures, à Chaumousey, appartenant à une femme âgée, renfermait, sous le crâne, un torques massif en bronze contigu à un second torques de fer, également massif. Sur les vertèbres cervicales, j’ai recueilli une élégante fibule de bronze, très mince, à deux renflements hémisphériques; la jambe droite était entourée vers le bas, d’un large anneau creux, de bronze, et le bras gauche portait un bracelet creux de même métal.

Une sépulture de jeune femme renfermait aussi, sous le crâne, un torques accompagné de deux boucles d’oreilles, le tout en bronze massif. Le personnage avait encore une autre fibule de même métal et des bracelets creux. Ces objets sont tous composés d’une feuille de bronze estampée autour d’une baguette encore reconnaissable.

De curieux échantillons de céramiques accompagnaient divers squelettes.

Il y avait des vases très grossiers, très épais, en argile à peine cuite, que le poids des terres et des pierres avait réduit en nombreux fragments impossibles à reconstituer.

Il y en avait deux, dont des parties notables, restées intactes, font voir le galbe assez élégant, et varient du ton gris au brun; plusieurs de ces spécimens rappellent assez la céramique des dolmens.

Enfin, j’ai recueilli, sous une tombe de femme, de très nombreux fragments d’un énorme plat à pâte fine et noire, offrant à l’extérieur plusieurs zones divisées en compartiments. Elles renferment des dessins géométriques qu’on peut ranger parmi les plus élégants recueillis de l’âge de bronze.

En résumé, ce tumulus a fourni une ample moisson d’objets de bronze et de fer, de pierre, de céramique, et des particularités qui en font un des plus curieux que l’époque hallstattienne nous ait révélés. Des mouvements de terrain et notamment un système de mares factices, dont deux sont réunies par un canal de communication, m’ont fait voir que la population sédentaire habitait tout près de son tertre funéraire. Aujourd’hui qu’un chemin de fer côtoie ces nombreux vestiges, il est probable qu’ils nous réservent de prochaines et importantes révélations sur notre passé vosgien.

Épinal, le 16 novembre 1885.

Signé: F. Voulot.

Liste des objets trouvés sous le tumulus de Chaumousey, près Girancourt, en Juin et Juillet 1885

PIERRE

1°.– Un percuteur en granit ayant beaucoup servi.

2°.– Un beau couteau en silex, crétacé.

3°.– Lame de silex, crétacé.

METAL

4°.– Très grand torques de bronze.

5°.– Très grand torques de fer. –––––––––––––––––––(

6°.– Fibule de bronze. ––––––––––––––––––––––––––) Même

7°.– Bracelet creux en bronze.––––––––––––––––––––( sépulture

8°.– Bracelet pendant du précédent. –––––––––––––––) de

9°.– Très bel anneau creux en bronze, fixé autour ––––( femme âgée

d’un tibia de femme. ––––––––––––––––––––––––––––)

10°.– Torques de bronze.

11°.– Anneau d’oreille en bronze. –––––( Même

12°.– Pendant du précédent. –––––––––) sépulture de

13°.– Belle fibule de bronze. –––––––––( Jeune femme

14°.– Moitié d’un anneau de bronze.

15°.– Bel anneau creux en bronze.

16°.– Pendant du précédent anneau.

17°.– Bracelet de bronze (creux).

18°.– Bracelet pendant du précédent.

19°.– Anneau d’oreille ? en bronze.

19°.– bis. Pendant du précédent anneau.

20°.– Bracelet de bronze ouvert.

21°.– Même bracelet de bronze.

22°.– Bracelet mince en bronze.

23°.– Bracelet mince d’enfant.

24°.– Anneau de fer d’une boucle.

25°.– Anneau pendant du précédent.

26°.– Petit anneau de fer (bague) ?

27°.– Fibule en fer avec fragments de cuir (forme inédite, je crois).

28°.– Fines appliques de bronze formées de deux spirales.

29°.– Fines pendeloques de bronze formées de deux spirales.

30°.– Très beau petit bouton de bronze.

31°.– Portion d’un très mince et grand anneau de bronze.

31°.– bis. Bracelet ouvert en bronze (mince).

32°.– –––( Fibules de bronze dont plusieurs d’un

33°.– –––) modèle nouveau, pour moi; l’une, très

34°.– –––( remarquable par ses complications,

35°.– –––) les autres très belles.

36°.– –––(

37°.– Vase presque complet.

38°.– Beaux fragments d’un très beau plat noir à dessin remarquable.

39°.– Moitié d’un autre vase.

40°.– Moitié (profil complet reconstitué) d’un autre vase.

41°.– Nombreux fragments d’autres vases brisés par le poids des terres et des pierres.

42°.– Hache votive en calcaire placée sur une dalle triangulaire sur le point qui devait occuper la tête absente d’un cheval de très petite taille.

43°.– Grande pointe de lance votive en calcaire et quatre dalles triangulaires de même matière. Ces pierres se rapportent à un des faits les plus curieux que j’aie jamais constatés: la pointe de lance était placée, la pointe dirigée vers les pieds, au bas du dos d’un homme.

44°.– Série de petites pierres triangulaires taillées, évidemment votives.

(Copie textuelle)

Certaines fibules sont exposées au musée d’arts anciens et contemporains d’Épinal. Ces deux tumuli datent du bronze moyen II et du bronze final III.